Nous sommes la Justice... Ou pire. [PV]

"C'est le manipulateur des mots. Chevelure brune, parfum exquis, rêves grandiloquents. Ses yeux bleus, où rien ne s'entremêlent de vie ni d’amer, sont deux lueurs sombres où se mêlent la mort et l’éther. A le voir marcher en silence, dénué d’émotion, simple monstre qui danse au bout de ses ambitions. Une main blanche, un regard de dément, un sourire machiavélique. Une Volonté sans limite."

Cyrillis marchait seul dans la fraîcheur du Grove 12. Il était grand et massif, et était tout vêtu de noir, d'une veste et d'un manteau capitonnés sombres, le tout enveloppé dans l'ample cape de la Marine, affichant dignement dans son dos "Sous-Amiral". Un haut-de-forme militaire tenait son crâne à l'abris des assauts du vent, et son visage d'ange affichait un rictus imperceptible. Il marchait d'un pas sûr et dédaigneux, presque guindé, et possédait dans le regard une étincelle d'hypocrisie doucereuse, désagréable; ses yeux, d'une teinte puissamment sombre, semblaient entremêler diffèrentes émotions indescriptibles en leurs iris. Relativement pâle de peau, son apparence étant égale à ses antiques origines : noble, pure, et belle, gardant les traits de certaines rondeurs de l'enfance qui éradiquaient l'impression anguleuse de ses pommettes. Aucun défaut n'émanait de sa présence effrayante.

Cyrillis s'avança lentement sur les allées du port de Shabondy. Un endroit où il se rendait régulièrement lorsqu'il avait besoin de trouver l'inspiration, notamment quand l'ennui qui le tenaillait était si profond qu'il ne se sentait plus exister. Désormais, il avait un moyen de s'en divertir. Le port du Grove 12 n'était plus qu'un endroit ou il pensait et réfléchissait aux erreurs qu'il avait pu commettre. Naturellement, aucune jusqu'à maintenant.
Ses sombres desseins fusaient donc dans son esprit tandis qu'il songeait à son ambition secrète, à ses soupçons inhumains , à ses désirs les plus enfouis, à sa haine de l'ère pirate, à sa puissance inébranlable, ses fantasmes inassouvis... Tout cela était là, pour lui. Ce monde s'offrait à lui en un échiquier qu'il était l'un des rares à pouvoir appréhender. Il avait eu le choix, comme n'importe quel individu, entre aider ce monde et le plonger dans le chaos. Il avait décidé de précipiter sa chute.
Pourquoi ce choix ? Lui-même avait eut du mal à le comprendre au début, mais il jugeait néanmoins qu'il était ennuyeux d'attendre qu'un jugement divin se manifeste pour agir. Non, prendre les devants et choisir un enjeu était bien plus distrayant. Car c'était tout ce dont il avait besoin. Le pouvoir, cette quête de l'immortalité et l'envie singulière de gloire... Ce n'était que vanités. Tout cela pour affirmer son existence, sa grandeur.
Il avait été formée à l'art de penser et à l'art de parler avant d'acquérir ses facultés physiques et son fruit du démon. C'étaient des atouts supplémentaires à son arc. Il comptait bien s'en servir, maintenant qu'il en avaient acquis la pleine maturité. Il ne pouvait déclencher une révolution directement, néanmoins, il en avait la possibilité par d'autres biais. Il lui faudrait exploiter tous ses capacités pour pérenniser ses ambitions. C'était vital.

Cyrillis leva le visage et s'arrêta, observant une silhouette féminine se découper non loin devant lui. A mesure qu'il s'approchait, il s'aperçut qu'elle était seule, cheveux couleur azur, et il émanait d'elle une beauté particulière. Sa peau était d'une pâleur effarante. Lorsque leurs regards se croisèrent un rayon de soleil frappa le regard bleu vif de l'homme. Son visage s'illumina un instant, puis s'effaça à l'apparition d'un nuage.
Finalement, il s'arrêta à quelques pas de la jeune femme. Il la jaugea un bref instant. Elle lui rappela vaguement quelqu'un. Peut-être dans sa paperesse administrative ?

Il ne lui restait plus qu'à engager la conversation, maintenant qu'il était figé face à elle.

Cyrillis Eleniel : Mes salutations, mademoiselle. Votre visage me rappelle étrangement quelqu'un... mais je ne saurais dire qui. Serait-il possible que nous nous soyions vus en un autre lieu ?

Il dégaina une cigarette, l'alluma et la glissa dans sa bouche. Les braises signalèrent sa position par la fumée qu'elles dégagèrent. Il se délecta d'une bouffée.

Puis il sourit.

Tel un chat sauvage, Pina s’était échappée de ses quartiers pour une petite escapade matinale. Se glissant habilement entre les couloirs, semant avec ruse ces hommes en rut qui avait su flairé la femme qui était en elle. La demoiselle ne faisait pourtant rien de répréhensible puisqu’elle était en jour de repos. Mais c’était justement parce que c’était un jour de repos, qu’il était encore plus usant de se retrouver dans un milieu en parti constitué d’hommes. Du moins, si l’on s’en réfère à son contingent, il s’agirait plutôt de mâles. Enfin ce n‘était pas le véritable problème. Le problème était qu’elle n’était entourée que de simples d’esprits, d’hommes comme elle en a vu défiler par centaines, qui n‘avaient donc rien de bien intéressant à lui apporter, ni de quoi réellement la divertir. Elle connaissait bien cette espèce pour avoir partagé l’intimité d’un grand nombre d’entre eux. C’était donc trop lasse, qu’elle avait entreprit de s’aérer, loin, le plus loin possible. Elle avait choisie comme première destination le Grove 31, où elle pourrait au moins se divertir en voguant de vitrines en vitrines. Pina était vraiment une personne coquette, et aimait prendre soin d’elle et de son corps. Son apparence, c’était tout, une des choses primordiales. Ce n’était pas une question de narcissisme, mais cela relevait davantage de sa manie de vouloir tout maîtriser. L’image d’elle qu’elle donnait aux autres en faisait partie. C’est pourquoi il était important qu’elle possède une panoplie diverse. Cela prenait de la place, certes, mais le lieutenant Korada savait obtenir ce qu’elle souhaitait. Il lui avait simplement suffit de jouer des attributs féminin et de sa condition de femme auprès de son Colonel, pour obtenir des quartiers d’un confort plus qu’aisé pour un officier de son grade. C’était d’une simplicité tellement déconcertante qu’elle ne prenait plus aucun plaisir à jouer de ses charmes et de ses atouts de comédienne. Il n’y avait plus de jeu dès l’instant où il n’y avait plus de difficultés.

Lorsqu’elle arriva au Grove 31, son lieu de prédilection pour acquérir de nouvelles étoffes et autres breloques clinquantes, elle ne s’attendait pas à se retrouver confrontée à une véritable marée humaine. Une agitation qui lui donna aussi vite la nausée, et le réflexe quasi-instantané de pivoter sur-elle-même pour rebrousser chemin. Elle n’était pas d’humeur à s’engager dans autant de remouds et s’échappa à nouveau de cet amas pullulant. Pina avait emprunté un chemin un peu en friche sans s’en rendre véritablement compte, se disant que finalement, côtoyer une végétation dense était plus reposant et ce qui lui correspondait le mieux en cette journée. Qui plus est, elle avait eut l’intelligence de chausser des bottes en cuir noir, et non ces escarpins dont elle avait l’habitude de porter. Ce qui lui épargna de multiples chutes … Sa robe elle aussi était plus propice à ce genre d’escapades, c’était le genre de robe qu’elle avait l’habitude de porter pendant son service, simple et confortable, mettant raisonnablement ses formes en valeurs ainsi que sa chevelure azurée. La seule chose qui pouvait gâcher l’élégance dont elle était en ce jour affublé, c’était l’expression de son visage et les jurons qui naissait sur le bord de ses lèvres. Ce n’est qu’après qu’une ronce ait empourpré en une estafilade vermeille son bras de porcelaine, et qu’un oiseau un peu agité s’en prenne à ses cheveux, en les peignant de ses serres, qu’elle changea d’avis. La végétation n’étais PAS plus reposante.

Elle échappa à ce dernier calvaire en arrivant sur le port du Grove 12. Ce dernier lieu, lui, avait beaucoup de cachet, et il s’en dégageait une atmosphère bien différente. Il semblerait quand cette heure de la journée, le coin n’était que très peu prisé. L’air était agréable à respirer, frais et délicatement iodée. La jeune femme s’arrêta alors sur un vieux ponton, s’asseyant sur le rebord, les jambes ballantes au-dessus d’une eau qui lui était défendue d’approcher de trop près. Malgré cela, elle lui rappela le peu de bons souvenirs qu’elle avait pu avoir il y a quelques années. Alors qu’elle fit un tour d’horizon de son regard perçant, elle aperçue une silhouette sombre et élancée se diriger dans sa direction. Étonnée de voir une présence en ces lieux, elle plissa les yeux, essayant de mieux voir à quoi pouvait bien ressembler cette personne. Il fut étonnant de lire un certain degré de surprise sur son visage lorsqu’elle reconnue l’homme qui s’approchait sereinement près d’elle. Ni plus ni moins que le sous-Amiral Eleniel, Cyrillis de son prénom. C’était peut-être la deuxième ou troisième fois qu’elle le voyait, bien que les précédentes ne comptaient pas vraiment, elle ne l’avait plus aperçu qu’autre chose. Il se dégageait de lui une personne singulière, ça avait été quelque peu renforcé par les bribes de conversations qu’elle avait pu entendre. Mais ce n’était que des bruits de couloirs, et si l’on se réfère à des bruits de couloirs émis pas une flopée de simple d’esprit, il valait mieux descendre les propos de plusieurs niveaux. Son regard croisa le sien un instant, avant que le soleil vint couper bref à cet échange. Lorsqu’il arriva à son niveau, Pina n’imagina pas qu’il prendrait la peine de lui adresser la parole. Elle s’attendait à un hochement de tête poli, à la limite, en guise de politesse, mais ce fut plus que cela. Un rictus à peine perceptible apparu lorsqu’il la salua d’un « mademoiselle », mais la surprise gagna trop vite son visage. Il semblerait que son visage ne lui était pas inconnu, et bien que présomptueuse, elle ne l’était pas au point de se croire qu’elle accaparé l’attention de tous. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était tout de même flatteur. Cependant, le lieutenant Korada vit davantage qu’une flatterie dans ses propos. C’était une porte ouverte à un jeu qui pouvait s’avérait plus qu’intéressant. Elle détourna alors le regard avant de fermer brièvement ses paupières, le temps d’un soupir emprunt de déception. Pina lui répondit de sa voix doucereuse, d’un ton emplit du même ressentit.

« Cyrillis ? … Cyrillis Eleniel n’est-ce pas ? … C’est un peu vexant de n’avoir un visage qui « vous rappelle étrangement quelqu’un », mais ce n’est pas comme si je devais m’attendre à mieux. Humpf … Vous ne vous rappelez donc vraiment pas ? »

Elle plongea son regard dans le sien, avec une conviction aussi forte que celle qu’elle avait placée en ses paroles, le fixant alors longuement, impassible de toute expression traîtresse. Contrairement au désir ardent qui brûlait en elle, de voir la réaction qui allait naître, de quelle sorte qu’elle soit.

Le froid ambiant sembla grandir et s'imposer tandis que les deux interlocuteurs restaient l'un en face de l'autre. Cyrillis ne broncha pas lorsque la bise s'intensifia, son accoutrement de noble étant assez volumineux et ses vêtements assez épais pour le couper de l'air ambiant. Il apprécia au contraire cette fraîcheur étonnante se coller sur son visage et balayer une mèche de cheveux échappant de sa coiffe. Son sourire, rassurant, ne cessa pas de trôner sur son faciès placide, alors qu'il écoutait attentivement la jeune femme. Elle connaissait sa dénomination -rien d'étonnant venant d'une personne qui semblait appartenir à la Marine- et plus encore, son impression de déjà vu venait de se confirmer par ses dires. Lorsqu'elle eut fini, elle se tut sagement, attendant la réponse du prodigue sans une once d'émotion superflu sur ses traits. C'est alors là que son nom lui revint : Pina Korada. Elle était lieutenant de la Marine, et ils s'étaient croisés quelques fois au QG de Marineford, alors que Cyrillis venait tout juste d'être mis à la tête du septième contingent. C'était une obligée de Tetsuya Genji.

Alors, une voix tranquille, sereine et vive s'éleva de nouveau, tout en conservant son apparence angeline initiale.

Cyrillis Eleniel : Suis-je aussi bête que peu galant ? Veuillez me pardonner mon oubli... Vous êtes le lieutenant Korada, bien entendu. J'ai entendu parler de vous par vos supérieurs. Si mes souvenirs sont exactes, vous avez été affectée tout récemment à un contingent.

Il se tut un instant, tirant sur sa cigarette. Alors que le Soleil semblait regagner du terrain, le vent s'éleva soudainement, s'engouffrant dans ses vêtements, gondolant ses habits derrière lui, grandissant encore son charisme et sa grandeur. Ses cheveux virevoltèrent doucement et la fumée fut emportée en un instant. Il s'approcha davantage de Pina. Un instant, le froid passa par-delà sa cape blanche et bleu, soulevée légèrement par un courant d'air. Il frémit, mais retrouva une certaine chaleur lorsque le vent s'arrêta. Il jeta un coup d'oeil sur la gauche, vers une ruelle, et remarqua qu'elle était déserte. Des passants s'engagèrent alors dans le Grove 12, mais rien de semblable à des pirates. Il esquissa un sourire: il n'était pas étonnant, ces temps-ci, de ne voir aucun pirates près de Shabondy. La Marine, sous le commandement de Koby, avait énormèment renforcé la sécurité des territoires. Mais ce n'était pas encore suffisant ; comme le Soleil tente de lutter face à la brise et aux nuages mais ne peut le faire, Koby et les trois amiraux en chef ne pouvaient plus faire face à la nouvelle vague de piraterie, trop éloignés du coeur du problème. Cyrillis serait le changement climatique, tôt ou tard.

Cyrillis Eleniel : Je sais qu'il est difficile de s'habituer à un nouvel équipage, à se soumettre aux contraintes d'un contingent... Moi-même j'en ai fait les frais, il y a de ça quelques années, et j'y ai encore quelques sequels.

C'était vrai. Avant d'être mis à la tête du contingent 7, Cyrillis Eleniel avait du courtiser le père d'Asmél et Asmél elle-même, pour avoir les faveurs de son supérieur par le biais de sa fille. Ce fut rude. Progressivement, il s'était rapproché du vieil homme, et était devenu son bras droit. Mais ce ne fut pas suffisant. À plusieurs reprises il du mettre sa vie en péril pour celle de son "mentor". Cela, il l'endura deux années consècutives. Cette humiliation avait été si sévère, si violente qu'elle s'était insinuée dans son être, qu'elle s'était ancrée dans ses attitudes de meneur, dans ses prises de positions, tant et si bien que chacun de ses subordonnées était à présent sélectionné sur le volet, de telle façon qu'aucun ne puisse se retourner contre lui l'heure fatidique venant.

Il appuya deux fois sur sa cigarette avec son index, pour que l'accumulation de cendres cède et tombe au sol. Lorsque son regard ne quitta plus celui de Pina, il se sentit plonger dans un vide sans fin, comme si toute émotion lui était volontairement voilée. C'était quelque chose d'étonnant. Quels secrets avait-elle donc à lui offrir ?

Cyrillis Eleniel : Quoi qu'il en soit, vous pouvez compter sur mon soutien le plus sincère.

Il laissa peser le poids des mots. Son regard s'adoucit, tandis que les nuages prirent totalement l'avantage sur l'astre solaire, qui ne représentait à présent plus qu'un pâle souvenir grisâtre.

Au sol, l'Ombre de Cyrillis dominait nettement la jeune femme.

Un frisson parcourra l’échine de la demoiselle lorsqu’une légère bise vint à se fouetter contre sa peau à demie-nue. Le soleil l’atteignait à peine désormais, car en s’avançant vers elle de cette façon, l’ ombre du sous-Amiral Eleniel la couvrait tout entière. Un halo lumineux c’était formé sur ses contours, des plus impeccables. Effectivement, c’était un détail qui n’avait pas échapper aux yeux perçant de la demoiselle. On percevait un grand raffinement chez cette homme, de part sa façon de se vêtir avant tout, de son couvre-chef trônant de façon irréprochable sur sa tête, et ses étoffes valorisant avec soin sa stature. Mais dans sa façon de se tenir également, droite, s’abstenant de tout mouvements inutiles ou superflus, ses expressions mêmes, étaient impeccables, immaculées presque. Il n’en allait pas sans dire, Cyrillis Eleniel était pourvu d’une très grande prestance, ce qui n’échappa à Pina, peut-être un peu subjuguée par celle-ci, un peu méfiante aussi. Elle avait entendue par ces mêmes bruits de couloirs, quant au rang social de cet homme, et pour une fois, elle leur accorda raison. La noblesse émanait jusque dans ses mots, ce qui quelque peu intimidant, il faut l’avouer. Cyrillis devait avoir un certain goût pour la perfection qu’il n’était pas donné de voir souvent. Ce fut la pensée qui traversa la demoiselle en observant son interlocuteur. Pina l’écouta alors parler, sourcillant à peine à la surprise de constater qu’il connaissait son identité, et qu’en plus de cela, il l’informa d’une chose dont elle n’était pas encore au courant. Elle ne broncha pas, et le regarda porter sa cigarette jusqu‘à ses fines lèvres, vagabonder du regard dans les alentours, alors qu’elle, elle n’y prêtait aucune attention, plus encore, elle avait inhibé tout le reste. Ce qui l’intéressait en cet instant, c’était cet homme d’un intérêt peu ordinaire, d’un divertissement différent de ses jeux habituels devenus lassant avec le commun des mortels. Pina remarqua son rapprochement soudain, le sous-Amiral éclipsait alors littéralement le soleil, et la possédait dans son ombre tout entière. Il lui fit part de son expérience, introduisant de la sympathie, voire de la compassion dans ses propos. Elle le regarda ensuite ôter la cendre de sa cigarette, et le fixant longuement, une fois encore. Pina aperçut ses lèvres lui conférait ses sentiments des plus courtois, des plus dignes d’un noble. Un rictus franc s’afficha sur les siennes, s’exprimant avec une once de nonchalance.

« Et bien, moi qui pensait que ma requête de nouvelle affectation avait été avortée … »

Un long soupir s’exhala de sa poitrine, tandis qu’un petit rire cynique raisonna, cachée par sa main, qui pour la première fois, mit en évidence le métal qui l’enclavait, comme il enclavait aussi ses chevilles et son autre poignet. Pina n’était pas du genre à les exhiber ouvertement, elle prenait même soin de feinter leur présences par de multiples artifices, ce qui n’était malheureusement pas le cas en ce jour. Inconscience de son geste, elle poursuivit.

« Le Colonel Tetsuya, donc ? … Quelle ironie. Enfin soit, merci de votre considération, je ne m’attendais guère à tant de votre part. Pardonnez-donc ma précédente impolitesse, sous-Amiral Eleniel. »

Elle avait emprunté un ton mielleux, et avait donné un légère accent sur le « sous » d’Amiral. Contexte mis à part, elle trouvait le grade de « Sous-Amiral » quelque peu ingrat. Il avait beau contenir l’impressionnant titre d’Amiral, il n’en était pas moins accouplé d’un préfixe d’infériorité. Et en regardant le détenteur du grade, cela semblait la chiffonner quelque peu. Enfin pour être plus exacte, cela l’intriguait de voir un homme semblant détenir un goût particulier pour la perfection détenir un titre pareil. Son arrogance avait alors parlé pour elle, non pas pour chercher le conflit, mais pour voir si elle pouvait obtenir une expression intéressante sur ce singulier personnage. Cependant, elle avait comme l’impression qu’il fallait chercher plus loin pour obtenir de lui ce qu’elle souhaitait.

Pina posa alors ses mains sur le ponton, s’appuyant sur elles pour se redresser gracieusement face à Cyrillis, évidemment, bien plus imposant de part sa taille qu’elle. Elle s’approcha à son tour de lui, réduisant alors davantage l’espace qui les séparaient jusqu’à présent. Sa main se posa indécemment sur son épaule, où elle prit appui tout en se mettant sur la pointe des pieds, rapprochant dangereusement son visage du sien, pour finalement aller susurrer au creux de son oreille.

« Une question me brûle alors les lèvres, sous-Amiral … Cela ne vous est pas trop pénible d’arborer un titre pareil ? … Sans vouloir paraître plus intruse que je ne le suis déjà, celui qui nécessite le plus de soutien d‘après moi , c’est bien vous. »

Elle laissa un dernière souffle se heurter contre le creux de sa nuque avant de reposer ses pieds à plat, ôtant également sa main après avoir légèrement tapoté son épaule.

Masque d'impassibilité. Plus de sourire. Cyrillis calculait. On le prenait de haut, et on essayait de voir clair dans son jeu. Voilà qui était d'une situation des plus comiques. On le prenait de haut, lui ? Il ne put retenir un rire moqueur, et, sans immédiatement prendre la main de Pina Korada, il planta son regard terrible dans le sien, et lui déclara d'une voix lente et calme :

Cyrillis Eleniel : Mademoiselle... En quoi la lieutenant Korada pourrait-elle, que ce soit de par son titre hiérarchique ou de par son ancienneté au sein de la Marine, me plaindre davantage que je pourrais moi-même la plaindre ? Excusez-moi de la remarque, mais s'il y a bien un grade au dessus du votre, c'est sans en douter celui que j'arbore.

Il s'écarta de sa proximité avec Pina Korada, en plaçant sa cigarette dans sa bouche, puis dans un mouvement lent, la dépassa. Il se mit dos à elle, et écarta les bras de part et d'autre de son corps dans un bruit de froissement provoqué par ses vêtements, fermant les yeux, et, dans un sourire, déclarant :

Cyrillis Eleniel : Je suis en marche vers le sommet, et on ne peut être que seul au sommet. De fait, mon titre ne représentera bientôt plus rien. Vous devez bien le comprendre, et je vous demande, non... je vous ordonne de l'accepter. Si vous me respectez comme un inférieur doit le faire face à son supérieur, je vous respecterais comme tel également.

Tout en parlant, une donnée capitale lui revint à l'esprit parmis le maelstrom d'informations qu'il avait pu assimiler durant ses études sur les membres de la Marine. Pina Korada n'était pas une femme banale, et elle disposait d'un atout non négligeable ; le fruit des âges. D'après ce qu'il avait pu en lire, ce fruit donnait accès à un contrôle exhaustif sur le temps. Cette faculté pouvait se révéler exceptionnelle si elle était correctement controlée. Et si elle tombait dans de bonnes mains, elle pourrait être décisive... Il baissa les bras et la tête, ouvrant les yeux. Il plia son bras droit, observant sa main ouverte sur elle-même, crispée, tendue par tous ses muscles. L'Euphorie le gagnait. L'Ivresse le touchait. L'Ivresse était collective. D'une voix rapide et puissante, il dit :

Cyrillis Eleniel : Croyez-vous au Destin, Pina ? Quel était le pourcentage de chance que nous nous croisions à cet endroit, à cette heure, et que nous nous disions ces mots seul à seul, d'après vous ?

Il s'arrêta de nouveau, et baissa son bras, observant devant lui, toujours à la droite du lieutenant, de dos, la colonne indiquant "Grove 12". Il laissa tomber le cadavre de sa cigarette au sol, puis tourna le visage vers l'arrière, observant la jeune femme de son oeil gauche.

Cyrillis Eleniel : J'imagine bien que vous n'avez pas besoin que je vous donne mon point de vu... car oui, nous le savons tous deux, le Destin existe forcément, et notre rencontre ne doit pas être simplement passagère.

Il leva la tête, et observa la voûte grisâtre. La pluie se mit à tomber. Mêlé aux teintes orangées du Soleil, le spectacle était mirifique. Dignes des Dieux. Est-ce que Koby lui aussi s'était-il tourné vers le ciel pour trouver la source de son inspiration ? Est-ce que son ambition avait été telle qu'elle lui avait permis d'un jour voir un commencement de Paix ? Cyrillis ferma les yeux. La réponse était non. Koby avait profité de la débacle provoquée par Doflamingo et Mugiwara pour s'emparer d'une place vacante. Il n'avait aucun charisme, aucune légitimité. Il fallait le congédier, comme la pluie procède le Soleil. Ensuite, ainsi... Un mortel pourrait s'élever réellement pour apporter la Justice.

Cyrillis baissa le visage et observa la femme, la substituant à la contemplation du ciel.

Il serait cette pluie torrentielle, tôt ou tard.

Un rire moqueur. Voilà ce qu’elle avait obtenu de la part du Sous-Amiral Eleniel en guise de réponse en ses propos. Cela ne la froissa point, au contraire, elle était satisfaite de l’émotion qu’elle avait pu provoquer chez cet homme. Son regard perça le sien, et sa voix calme et parfaitement maîtrisée su répondre avec élégance à notre taquine demoiselle, qui ne put à son tour s’empêcher de dévoiler un rictus amusé. Car c’était un jeu pour elle, oui. Pina avait cette forte impression d’avoir enfin trouvé un adversaire de taille, plus grand qu’elle-même, et cela lui plaisait. Enfin un adversaire face auquel elle pouvait perdre, où elle perdait déjà même. Paradoxalement, ce sentiment de défaite instillait chez elle un goût de victoire, ce qui bien sûr, la poussait à persévérer dans ce sens.

« Vous vous fourvoyez Sous-Amiral Eleniel. Contrairement à moi, il me semble que vous méritiez bien plus que ce titre, quelque peu ingrat je trouve. Mon respect n’est que plus grand. Enfin me voilà rassurée de vous savoir en marche vers le sommet, je n’en attendais pas moins de votre part … »

Un petit rire sombre se déploya de la gorge de la demoiselle. Tandis qu’elle était à présent dos à dos avec son interlocuteur, elle se contenta de regarder le ciel qui s’était un peu couvert de quelques voiles nébuleux. Cyrillis, lui, aborda la question du Destin, ce qui, même s’il ne le voyait pas, le gratifiait d’un sourire non dissimulé. Pina ne dit mot, car elle sentait qu’il avait davantage à dire. Quand il eut finit, un rictus amusé s’empara de son visage, et la demoiselle fit volteface, et s’engagea davantage sur le ponton, se rapprochant dangereusement de son bord avant de faire une pirouette pour dévisager le sous-Amiral Eleniel. Les gouttes de pluie perlait le long de son visage, mais Pina ne semblait s’en préoccuper, au contraire, elle trouvait cela plutôt agréable. En vérité, elle aimait la pluie, on lui avait à l’apprécier étant petite, pour ses multiples vertus.

« Vous savez que dans certaines contrées, on considère la pluie pour bien plus que l’apport vital qu’elle nous offre ? Par exemple, là d’où je viens, on dit que la Pluie vient laver le monde de ses impuretés, elle nous annonce un changement. « Notre rencontre ne doit pas être simplement passagère » … Très bien, admettons. Mais que peut bien vouloir de moi, un lieutenant, le Sous-Amiral Eleniel ? »

Elle plongea son regard dans le sien avec une ferveur dont on ne pouvait se douter chez elle. Sa respiration était de plus en plus forte, on pouvait même distinguer de la buée s’échapper de sa bouche. Une fois encore, elle sourit, tout en s’avançant calmement jusqu’à lui.

« Sachez que quoi que vous puissiez bien vouloir de moi, je suis prête à vous l’offrir. »

HRP : Navrée pour le retard. Je tâcherais d'être plus régulière dorénavant.